Les vaccins anti-covid-19 : juste de l’immunologie avancée, rien de surprenant
Pluts, décembre 2020
Pour les vaccins contre la Covid-19, les inquiétudes soulevées çà et là sont légitimes et crier à la surprise et à l’exploit de célérité n’en améliore pas l’acceptation. De l’analyse des experts, les chercheurs n’ont pas pris de risques démesurés et pas du tout de risque pour la sécurité. Les vaccins ainsi obtenus sont non seulement efficaces mais aussi et surtout, ils peuvent être considérés comme sûrs selon les évaluateurs. Il faut le dire, ces vaccins ne sont le fruit ni d’une précipitation de contingence ni d’une sérendipité favorable mais les résultats d’un travail de longue haleine.
C’est le 11 février 2020 qu’a été baptisée par l’Organisation Mondiale de la Santé la Covid-19[1]. Moins d’une année après les premières campagnes de vaccination était organisées. Cette célérité apparente dans la mise au point des vaccins a raffermi chez certains les craintes et les susceptibilités qui existaient toujours face aux vaccins. Très vite, il est rapporté que la nouvelle technologie de l’ingénierie vaccinale était encore en expérimentation ce qui transformerait l’ensemble des vaccinées en cobayes. La crainte principale soulevée est que les vaccins ne seraient pas sûrs[2].
Toutes les craintes sur les vaccins sont absolument légitimes. À l’échelle individuelle, il n’y a pas plus de valeur dans l’acceptation du vaccin que dans le refus de la vaccination. Toutes les deux positions relèvent du même désire de protection face à l’incertitude. Toutefois, il est important de noter que de nos jours, l’évidence quant à la qualité et à la sécurité des vaccins doit laisser moins de place au doute, à l’hésitation encore moins au refus de la vaccination. La vaccination a prouvé sa valeur et son efficacité. Grande révolution de la santé publique, la vaccination depuis la variolisation n’a cessé de se bonifier.
Pour ce qui est des nouveaux vaccins, à bien y réfléchir, la vitesse de réaction de la science dans la production du vaccin contre la Covid-19 n’est pas aussi exceptionnelle qu’il paraît. En effet, il y a déjà 5 ans que la science avait, certes après des années d’hésitation, donné dans des délais assez raccourcis, des vaccins contre la maladie à virus Ébola. De même, la grippe H1N1, qui n’avait pourtant pas atteint une telle proportion de destruction, avait aussi suscité la mise au point rapide de vaccins auxquels plus de 60% de québécois dont presque 50% de montréalais y compris des enfants avaient adhéré entre octobre 2009 et avril 2010[3].
Le développent de vaccins contre la Covid-19, n’est pas vraiment inattendu. Il est parti d’un processus longtemps réfléchi et de recherches précédentes. En effet, comme le note le CDC, autant le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS) que le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV acronyme anglais) sont tous deux des maladies causées par des coronavirus qui sont très proches du virus actuel, responsable de la COVID-19. Des recherches vaccinales ont initialement ciblé ces deux virus précédents. Les leçons engrangées lors de ces activités de recherche sur ces virus ont servi à la conception et au développement des vaccins contre la Covid-19.
Les données probantes indiquent que la technologie à ARN messager ne serait, non plus, pas à ses balbutiements. Le processus a commencé depuis les années 1980[4][5][6]. Les expériences de l’utilisation de la manipulation virale à but immunologique ou thérapeutique ont plus d’un quart de siècle d’existence comme on peut le noter avec les travaux de l’Inserm notamment avec le Dr Drillien et collaborateurs (1996)[7]. Les essais d’application encourageantes de l’ARN messager dans l’immunothérapie sont des expériences documentées[8]. Dans les colonnes de l’OBS, la virologue, présidente du CVC (Comité Vaccin Covid-19) de France Marie-Paule Kieny nous fait savoir que des essais avec les vaccins ARN messager ont au moins une quinzaine d’année d’existence, notamment chez Moderna, contre plusieurs virus dont le Mers, information que nous pouvons déjà déduire des données du CDC. Les vaccins contre la Covid-19 sont donc un aboutissement logique d’une course que nous pouvons même qualifier d’endurance et de haie que plutôt de vitesse si nous considérons l’ensemble de la plateforme des prétendants[9].
Les données publiées dans The New England Journal of Medicine par Dr. Fernando P. Polack, Dr. Stephen J. Thomas et leurs collaborateurs le 10 décembre 2020 sur l’efficacité du vaccin indiquent que le vaccin de Pfizer et BioNTech est efficace. Plusieurs experts ajoutent même que son efficacité est au-delà des espérances. D’une moyenne de 95%, l’efficacité du vaccin pour différents groupes sociaux, d’âge et d’ascendance, d’ethnicités, de poids ou de conditions va de 90% à 100% indiquent les chercheurs. Pour ce qui est de la sécurité il ressort que le vaccin ne présentait pas plus de danger que le placebo. Ces informations ont convaincu les différentes autorités de régulation de donner leurs autorisations d’utilisation en contexte d’urgence même si elles ne pouvaient procéder à son approbation définitive[10].
Comme tout le monde en convient, il n’y a pas suffisamment de recule pour ce qui est des effets indésirables à long terme de ces vaccins. La surveillance rapprochée des différents effets de ces vaccins sera donc faite au cours des campagnes. Certainement, des événements temporellement associés avec l’implantation du vaccin seront mis au compte des manifestations adverses du vaccin. Une analyse minutieuse de leur incidence normale dans les différents contextes pourrait bien aider à déterminer les probabilités et types de lien avec le vaccin comme l’indiquaient Black et ses collègues pour le cas du H1N1 en 2010[11].
Certes, pour le passage à la vaccination à nos portes, tout le monde aurait aimé que cette technologie dite de vaccin à ARN messager, eût été préalablement utilisée pour des vaccinations de moindre envergure d’abord. Cependant, nous pouvons tous être rassurés, il n’y a pas eu de Frankensteinologie mais bien de l’immunologie avancée et sans aucun doute, pour le développement humain, une avancée dans l’immunologie.
Il faut certes rendre hommage aux chercheurs pour le travail abattu. Cependant y aurait-il plus motivant pour un chercheur que de voir que le résultat de son travail est attendu et sera utilisé de son vivant? Y a-t-il plus motivant que de savoir que la médaille du mérite ne sera pas accrochée à sa pierre tombale mais bien sur la poitrine quand on est encore débout ? Les chercheurs ont bénéficié d’un contexte très favorable d’engagement politique et de collaboration internationale fondé sur un nouveau paradigme pandémique différent de l’approche linéaire traditionnelle de développement des vaccins[12].
S. Kery
[1] OMS (2020). Appellation de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et du virus qui la cause. https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/technical-guidance/naming-the-coronavirus-disease-(covid-2019)-and-the-virus-that-causes-it
[2] Aloweidi A., Bsisu I., Suleiman A., Abu-Halaweh S., Almustafa M., Aqel M. et al (2021). Hesitancy towards COVID-19 Vaccines: An Analytical Cross–Sectional Study. Int. J. Environ. Res. Public Health, 18(10), 5111; https://doi.org/10.3390/ijerph18105111
[3] Brien S., Kwong J. C, Charland K. M., Verma A. D., Brownstein J. S., & Buckeridge D. L. (2012). Neighborhood Determinants of 2009 Pandemic A/H1N1 Influenza Vaccination in Montreal, Quebec, Canada. American Journal of Epidemiology, 176(10):897–908
[4] IRSC (2021). Le long chemin vers les vaccins à ARNm. https://cihr-irsc.gc.ca/f/52424.html
[5] Malone, R. W., Felanger, P. L, and Verma, I. M. (1989). Cationic tipsome-mediated RNA transfection. Proc. Nail. Acad. Sci. USA, 86: 6077-6081.
[6] Conry R. M., LoBuglio A. F., Wright M., Sumerel L., Pike M. J., Johanning F., et al. (1995). Characterization of a Messenger RNA Polynucleotide Vaccine Vector. Cancer Research 55, 1397-1400.
[7] Drillien R., Howley P., Spehner D. (1996). Manipulation moléculaire des virus à ARN de polarité négative (ARN –): vers de nouveaux outils en médecine. Médecine/Sciences; 12: 1228-34.
[8] Maisnier-Patin K., Crabé, S., Breton G., Dupuy F. P., Yassine-Diab B., Sékaly R-P. (2007). Les cellules dendritiques transfectées avec de l’ARN messager Une approche prometteuse en immunothérapie. Médecine/Sciences; 23 : 279-84.
[9] Ura T, Yamashita A., Mizuki N., Okuda K., Shimada M. (2021). New vaccine production platforms used in developing SARS-CoV-2 vaccine candidates. Vaccine 39 (2021) 197–201.
[10] Polack F. P, Thomas, S, J., Kitchin N., Absalon J., Gurtman A. (2020). Safety and Efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine. New England Journal of Medicine, 31;383(27):2603-2615. doi: 10.1056/NEJMoa2034577
[11] Black S., Eskola J., Siegrist A-C., Halsey N., MacDonald N., Law B. (2009). Importance of background rates of disease in assessment of vaccine safety during mass immunisation with pandemic H1N1 influenza vaccines. Lancet,374(9707):2115-2122. doi: 10.1016/S0140-6736(09)61877-8.
[12] Lurie N., Saville M., Hatchett, R.., & Halton J. (2020). Developing Covid-19 Vaccines at Pandemic Speed. The New England Journal of Medicine, 382;21 1969-1972. DOI: 10.1056/NEJMp2005630.